Nous avions dans nos cartables
De lourds livres d’Histoires anciennes.
Nous portions sur nos dos les dates et les fables,
Les faits marquants d’hier, les défaites, les victoires
Les grands bouleversements et les valeurs d’antan.
Et nos dos s’en souviennent.
Aujourd’hui ils plient sous nos actualités
Et nous sommes malades d’avoir trop rêvé
Aux lendemains qui chantent, et qui ne chantent plus
Quand plus rien désormais ne concède à la rue.
Nous sommes engagés, là, dans le flux du temps
Qui tourne bien malgré nous, et bien mal bien souvent.
Nos vies qui se déchirent trop tôt en s’adaptant
S’inscrivent contre nous dans la fuite en avant.
C’est un signe des temps, quand les révoltes grondent
Que tant de poings levés ne désignent qu’hier,
Et l’Histoire qui s’enfuit, et puis la fin d’un monde,
Le déclin de la masse, de nous deux, de la terre.
Reste la solitude, prêtresse de nos rêves,
Le souvenir de nous dont témoignent nos lits,
Et la colère au cœur qui devient notre sève
Quand le plaisir nous quitte, las d’avoir trop joui.
Des rêves j’en avais, dans ma tête il en reste.
Des fantasmes, des lueurs, des milliers de désirs.
Tout attendre d’une femme, un seul mot, un seul geste
Ou bien de toutes celles qui concèdent au plaisir.
Nous sommes las de jouir de nos corps en secret
Et de nous dévêtir des oripeaux, des traits
Qu’obligent le travail, les dimanches en famille,
Cette cravate au cou qui enserre, et la tête fourmille,
Les sourires obligés, le vin comme un secours
A tout ce qui prétend s’apparenter d’amour.
Oui nous n’avons gardé que ça des temps anciens
En concédant le reste à la modernité.
Pas les grands idéaux, nous frères, la liberté,
Les leçons de l’Histoire, les faits des gens de bien.
L’époque n’est, mon frère, qu’à tous les sacrifices,
Le père qui turbine pour l’avenir de son fils,
Le fils qui n’espère guère que le salaire du père,
Et pour tout un chacun qu’une promesse : la misère.
Misère du bout de pain que les crédits amputent,
Misère de la fête, toute teintée d’inculture,
Quand au bout de la table l’écran joue l’aventure
Et disperse nos sens mieux qu’une armée de putes.
L’époque est finissante, on le sent dans nos chairs
Elle se bat contre nous, résiste à nos désirs
Mais passera la main sans besoin d’une guerre.
C’est le propre des temps que de savoir finir.
A poil, sans cache-misère, les corps en liberté
Et la tête remplie de nos rêves à créer,
Nous cueillerons les fleurs des espoirs que l’on sème
Et trouverons le temps de nous rendre à nous-mêmes.
Nous avions dans nos cartables, lourds comme le poids du temps,
Sur le dos, des histoires, et le temps d’en écrire.
credits
from Nos déraisons,
released February 9, 2017
Programmation, guitares, chant : Stéphane Arnoux
Violon : Inès Noor
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